Le piège de l’apprentissage

Il y a tout juste trois ans, j’ai commencé à apprendre à développer sur iOS. J’avais déjà des notions de base de développement que je n’avais plus exploitées depuis très longtemps. Les ressources pour apprendre le développement sont nombreuses, accessibles et gratuites pour la plupart. J’ai rapidement trouvé des cursus avec des dizaines de tutos qui m’ont permis d’acquérir rapidement les bases, même si les premiers pas ont été plus complexes que je l’imaginais. Ce cap passé, j’ai donc continué à enchaîner les vidéos YouTube pour progresser et découvrir de nouveaux aspects du langage. J’y ai passé beaucoup de temps, un peu comme on joue aux jeux vidéos, sans vraiment voir le temps passer. Juste pour le fun.
Nous sommes en 2024, j’ai fini par me lasser et cela fait plusieurs mois que je n’ai pas développé. Ce n’est pas le problème, c’était cool d’apprendre. Ce qui est plus problématique est plutôt que je n’ai rien fait de cet apprentissage. Je n’ai rien produit. Ce n’est pas parce que je manquais d’idées, mais simplement parce que le plaisir de l’apprentissage a pris le pas sur le reste. Je ne suis pas vraiment étonné, c’est une constante chez moi, car j’adore apprendre et découvrir. Cela peut être mon unique but.
Cependant, lorsqu’on apprend pour appliquer, cette tendance peut se révéler complètement inefficace. C’est un phénomène que Tiago Forte appelle le piège de l’apprentissage. Il le décrit dans sa dernière newsletter Avoiding the Prep Trap: A Key to Rapid Learning. Il y raconte comment il a commencé à apprendre le français avec des applications de répétition, type Duolingo, et comment il a découvert au bout de plusieurs mois d’apprentissage qu’il était incapable d’avoir un échange basique en français. J’y ai retrouvé les biais qui m’empêchent de progresser réellement lorsque j’apprends une nouvelle discipline.
The big mistake people make is what I call The Prep Trap: Spending too long on Prep, thinking they need to keep studying, keep reading books, keep taking courses, before they’re “Ready” to do the thing.
Selon Tiago Forte il distingue deux parties dans l’apprentissage : la préparation et la pratique.
La préparation est nécessaire, mais doit être la plus courte possible. Or c’est souvent la phase sur laquelle on passe le plus de temps, attendant d’avoir acquis tout le savoir pour pouvoir se lancer. En réalité, cet apprentissage des bases, bien qu’utile, ne permet pas de se confronter aux conditions imprévisibles de la réalité de la pratique. Poursuivre sur cette phase donne le faux sentiment de progrès et le risque de déconvenues.
Selon Tiago, le bon niveau de préparation est atteint lorsque l’on peut essayer la pratique et échouer. Il signifie que la pratique doit être un challenge. Si c’est simplement appliquer ce qui est déjà acquis, cela ne sert à rien. Il doit y avoir une difficulté qui pousse à chercher des solutions et donc poursuivre son apprentissage. Il considère que la phase de préparation peut être réduite à quelques heures avant de se lancer et termine son article par quelques exemples de challenges simples que l’on peut se lancer pour progresser.
Ce n’est pas la première fois que j’entends ces arguments. Les entendre encore et encore pourrait-il finalement me libérer du piège ?
Mise à jour du 7/10/2024 suite à une remarque fort judicieuse du toujours pertinent Guillaume. On ne parle ici que de l'apprentissage que vous entreprenez pour acquérir une nouvelle compétence que vous souhaitez mettre en oeuvre. Il est évidement tout à fait possible d'apprendre juste pour le plaisir, pour se cultiver, par intérêt pour une discipline voire pour briller en société. Dans ce cas la méthode ci-dessous n'a pas de justification. Il fallait le préciser, car il y a des domaines pour lesquelles la passion l'emporte sur l'utilité. Et c'est tant mieux !